Le concept de « famille nucléaire » traditionnelle, avec des rôles séparés pour la « mère » et le « père », est un concept désuet et isolé, et selon une récente Étude indépendante sur la famille menée par le Commissaire à l’enfance pour l’Angleterre, il est officiellement en déclin. La « famille moderne » alternative, comme on l’appelle souvent, est en plein essor et sa composition n’entre pas toujours dans une case bien définie et facile à articuler. En réalité, il existe de nombreuses variantes : familles recomposées à la suite de secondes noces ou d’unions civiles, couples de même sexe, familles en concubinage, familles monoparentales et coparentales, et familles issues de la procréation médicalement assistée, la gestation pour autrui et la procréation avec tiers donneur.
En vertu du droit britannique, un enfant ne peut avoir que deux parents légaux et il existe des règles très spécifiques (et sans doute dépassées) relatives à la parentalité pour les enfants issus de la procréation médicalement assistée. Pour les « familles modernes », cela signifie que la situation de parentalité légale est souvent en totale contradiction avec la réalité de leur situation et peut les exposer (ainsi que les membres de leur famille élargie) à un certain nombre de problèmes juridiques, notamment en cas de décès. Pour donner vie à ces questions :
Couple de même sexe concevant un enfant dans une clinique spécialisée dans le cadre d’un traitement de la stérilité
Jane et sa compagne Nisha sont comptables et vivent ensemble à Londres. Elles sont en couple depuis six ans et n’envisagent pas de se marier ou de contracter une union civile. Jane est actuellement enceinte à la suite d’un traitement de la stérilité dans une clinique aux États-Unis. Leurs embryons ont été créés avec les ovules de Nisha et le sperme d’un donneur. L’enfant naîtra au Royaume-Uni et, peu après, le couple s’installera en Espagne.
Dans ce cas de figure, Nisha n’aura aucun statut juridique concernant son enfant, même si elle est la mère biologique et qu’elle élèvera l’enfant conjointement avec Jane. Pour y remédier, Nisha devrait saisir le tribunal des affaires familiales de sa région pour obtenir une ordonnance d’adoption par le conjoint du parent, mais cela prendrait de nombreux mois et nécessiterait une évaluation par un travailleur social au Royaume-Uni, ce qui n’est peut-être pas pratique pour la famille compte tenu de ses projets de déménagement. Pour éviter tout problème à sa mort, Nisha devrait rédiger un testament afin de protéger ses souhaits pour son enfant à naître et ceux de sa famille élargie. Jane et elle devraient également désigner des tuteurs appropriés et demander des conseils en matière de droit de la famille et de l’immigration en Espagne avant de déménager.
Familles britanniques issues de la gestion pour autrui
Sue et son mari Peter ont une fille de 2 ans née d’une mère porteuse mariée aux États-Unis. Ils figurent tous deux sur son acte de naissance américain en tant que parents légaux. Ils vivent en France mais sont domiciliés au Royaume-Uni et prévoient de retourner dans leur maison familiale à Londres au cours des prochains mois. Sue et Peter n’ont pas sollicité de conseils juridiques au Royaume-Uni concernant leur situation.
Indépendamment de la situation juridique aux États-Unis et de ce qui est mentionné dans l’acte de naissance, la mère porteuse américaine et son mari sont les parents légaux de l’enfant du point de vue britannique. Cela signifie que Sue et Peter n’ont aucun lien juridique avec leur fille. Pour régler ce problème, ils devront demander une ordonnance conférant l’autorité parentale au tribunal des affaires familiales, ce qui prendra plusieurs mois. Pour protéger toutes les personnes concernées, Sue et Peter devraient rédiger un testament et désigner des tuteurs appropriés. La mère porteuse et son mari devraient en outre rédiger un testament désignant Sue et Peter en qualité de tuteurs légaux et excluant l’enfant né de la mère porteuse de tout droit à leur héritage. Avant cela, Sue et Peter devraient demander des conseils en matière de droit de la famille et de l’immigration en France afin de pouvoir rentrer en toute sécurité en France après l’accouchement et avant de retourner au Royaume-Uni.
Familles recomposées
Sejal a un fils, Aaron, âgé de 12 ans. Malheureusement, le père biologique d’Aron est décédé lorsqu’il avait 2 ans et le nouveau concubin de Sejal, Alex, est son père de facto depuis lors. Alex et Sejal attendent un enfant dans l’année en cours et, bien qu’ils aient envisagé une demande d’adoption par Alex pour Aaron, ils ont décidé de ne pas donner suite à cette demande en raison des problèmes posés par la famille paternelle.
Alex n’a pas le statut de parent légal concernant Aaron et devra donc rédiger un testament avec des délimitations claires pour protéger ses souhaits en cas de décès. Sejal et lui devront également discuter de la désignation de tuteurs pour les enfants.
Qu’est-ce que cela signifie pour les avocats proposant leurs services à des particuliers ?
Les familles modernes ont besoin d’une planification moderne de la transmission de patrimoine et de conseillers conscients du fait que la famille nucléaire n’est plus la norme. La diversité de ces familles doit être saluée, mais compte tenu de la complexité de la situation de parentalité légale, il convient d’être très attentif lors de la planification de la transmission de patrimoine afin d’éviter les contestations et les complexités au moment du décès.
Jade Quirke, associée senior du cabinet d’avocats Russell-Cooke, Londres