Suisse : Réforme suisse du régime légal des défaut de construction : des acquéreurs à l’abri !

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Suisse Réforme suisse du régime légal des défaut de construction Lexunion
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Le droit suisse de la construction et celui des ventes immobilières, institutions globalement très satisfaisantes, ne sont malgré tout pas exemptes de cautèles, dont la portée pratique se révèle parfois malheureuse.

C’est ainsi par exemple que le maître de l’ouvrage ou l’acquéreur d’un bâtiment doit vérifier l’immeuble qui lui est transféré et signaler ses éventuels défauts, apparents ou cachés, à l’entrepreneur « sans délai », sous menace – en cas de non-respect – de péremption, c’est-à-dire de disparition pure et simple des prétentions découlant de ces défauts. Face à cette formulation toute suisse choisie par le législateur, le Tribunal fédéral s’est retrouvé forcé de préciser cette notion juridique indéterminée et considère dans sa jurisprudence constante que l’avis des défauts doit intervenir dans un délai de 7 jours, considérant même que ce délai doit être raccourci si les défauts sont tels qu’ils pourraient occasionner un dommage plus important en cas d’attente. Ce délai jurisprudentiel très court place en pratique les acquéreurs dans une situation inconfortable.

Lors de la conclusion d’un contrat de vente immobilière portant ou non sur un immeuble devant encore être construit, acquéreur et vendeur (et/ou entrepreneur) vont très fréquemment exclure toute garantie en raison des défauts du vendeur (et/ou entrepreneur), tout en prévoyant, en contrepartie, la cession par le vendeur (et/ou entrepreneur) à l’acquéreur de ses prétentions en garantie à l’encontre de ses sous-traitants. La cession de telles prétentions, à première vue avantageuse, se révèle toutefois en pratique peu opportune. En effet, l’acquéreur confronté à un défaut ne disposera pas nécessairement des connaissances suffisantes pour savoir quel sous-traitant il doit rechercher et devra en pratique se démener pour faire valoir ses prétentions.

Fort de ce constat, le Conseil fédéral a adressé, le 19 octobre 2022, un message à l’Assemblée fédérale développant un faisceau de mesures destinées à renforcer la position de l’acquéreur et maître d’ouvrage. Sur la base de ce message, le Parlement a ainsi établi un premier projet de révision du Code des Obligations, publié le 15 novembre 2022 et dont on peut retirer les enseignements suivants :

  • Le projet de révision introduit tout d’abord un délai de 60 jours précis pour signaler les défauts de l’immeuble ou de l’ouvrage au vendeur, étant entendu que ce délai a pour dies a quo, en cas de défauts cachés, le moment de la découverte de ceux-ci.
  • En matière de vente immobilière, il est prévu -et ce de façon totalement inédite – que l’acheteur d’un immeuble comprenant un ouvrage construit au cours de l’année précédant l’acquisition ou devant encore être érigé, peut exiger du vendeur qu’il répare les défauts à ses frais. Ce droit revêt en outre un caractère impératif et ne peut donc être exclu contractuellement, lorsque l’immeuble en cause est destiné à un usage personnel ou familial.
  • Enfin, le projet entend préciser le montant des sûretés que doit fournir le vendeur au moment d’inscrire l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs pour leurs prestations non-réglées. En effet, à l’heure actuelle il est en pratique impossible de constituer des sûretés, en tant qu’elles doivent en principe fournir une couverture illimitée, la durée des intérêts moratoires devant être couverte n’étant pas fixée légalement. Le projet entend donc préciser cet aspect et prévoit ainsi que les sûretés que doit fournir le vendeur doivent être suffisantes et couvrir les intérêts moratoires pour une durée de 10 ans compris.

Ces modifications importantes du régime légal en matière de défauts des constructions et de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs modifient l’équilibre des transactions immobilières concernées en faveur de l’acquéreur et maître d’ouvrage. Elles auront sans aucun doute un impact majeur sur la négociation, la rédaction et la conclusion de contrats de vente immobilière et d’entreprise.

Tout cela reste toutefois de la musique d’avenir. Pour l’heure, les commissions parlementaires compétentes puis chacune des chambres de l’Assemblée fédérale doivent encore se prononcer sur ce projet. Le système législatif suisse étant ce qu’il est, il ne fait aucun doute que ce projet sera encore âprement discuté et remanié et qu’il fera l’objet d’une nouvelle contribution dans ces pages.

Quentin Bärtschi, Kellerhals-Carrard, Berne

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