A propos de C-80/19 – E. E. (Compétence juridictionnelle et loi applicable aux successions)
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Le litige porte sur la succession d’une ressortissante lituanienne décédée en Allemagne où elle résidait de manière habituelle. La défunte laisse pour lui succéder son époux (allemand) et un fils (lituanien), ce dernier légataire universel aux termes d’un testament passé en 2013 devant notaire en Lituanie où se trouvent ses biens.
Le fils présente à un notaire de Kaunas (Lituanie) une demande tendant à la délivrance de l’attestation de succession et à l’ouverture de la succession et alors qu’aux termes d’une déclaration faite en Allemagne l’époux renonce à toute revendication sur l’héritage et ‘’consent à la compétence de la juridiction lituanienne’’.
La demande est rejetée par le notaire au motif que la défunte avait sa résidence habituelle en Allemagne.
Dans ses conclusions présentées le 26 mars 2020, l’Avocat Général Manuel Campos Sánchez-Bordona rappelle :
- Que la succession objet du pourvoi a un caractère transfrontalier, que le Règlement (UE) n° 650/2012 lui est donc obligatoirement applicable et que les règles de droit internes (lituaniennes ou allemandes) doivent être écartées.
- Que la résidence habituelle est désormais une notion autonome du droit de l’Union et ne peut être qu’unique, qu’elle s’apprécie au regard des circonstances générales de la vie du défunt et que les déclarations des parties intéressées sont à ce titre insuffisantes.
- Que le choix de loi résultant implicitement des termes d’une disposition à cause de mort visé à l’article 22.2 doit résulter exclusivement des termes d’une telle disposition et non des circonstances générales de la vie du défunt.
- Que, cependant lorsque comme au cas présent, une disposition testamentaire antérieure au 17 août 2015 ne comporte pas de choix de loi, la loi nationale du défunt s’applique à la succession (article 83).
- Que la déclaration faite par une partie intéressée en vertu de laquelle elle admet la compétence des juridictions aux fins d’une procédure doit satisfaire aux conditions de forme requises par les règles procédurales du for (article 7). Il appartiendrait donc au juge lituanien d’apprécier la validité du consentement à sa compétence donné par le conjoint survivant.
- Que bien qu’habilité à délivrer des actes authentiques telles que l’attestation de succession ayant force probante dans les autres Etats membres, un notaire ne peut être qualifié de ‘’juridiction’’ au sens de l’article 3. Il n’a pas autorité à statuer sur les questions controversées entre les parties qui relèvent des prérogatives du juge.
Il n’est donc pas soumis aux règles de compétence judiciaire du règlement (juridictions de l’État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès aux termes de l’article 4).
Il s’agit là du point principal des conclusions de l’Avocat Général.
En effet, le juge lituanien interprète le Règlement en ce sens que le notaire lituanien ne peut intervenir si les autorités juridictionnelles lituaniennes n’ont pas compétence internationale en vertu du Règlement.
L’Avocat Général pour sa part estime que le notaire n’étant pas une juridiction, doit être habilité à intervenir sans appliquer les règles générales de compétence judiciaire.
En l’occurrence le notaire Lituanien doit donc délivrer l’attestation de succession réclamée et à ouvrir la succession suivant la loi lituanienne, loi de la nationalité du défunt conformément à l’article 83.
Il semblerait qu’à l’exception de l’Autriche et de la Hongrie, l’opinion de l’Avocat Général soit majoritaire. Elle est dans la lignée de la décision WB C‑658/17 du 23 mai 2019 et devrait être confirmée par la Cour. Son intérêt est évident pour la pratique notariale.
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09.06.2020
Patrick Delas