Italie: Le régime fiscal applicable aux trusts

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LE RÉGIME FISCAL ITALIEN

Introduction

Le 11 août 2021, l’administration fiscale italienne a publié un nouveau projet de circulaire en mode consultation publique (avec possibilité de soumettre des commentaires et de proposer des modifications jusqu’au 30 septembre 2021) concernant le régime fiscal italien applicable aux trusts.

En particulier, le document administratif a pour but d’apporter des éclaircissements aux professionnels quant à quatre sujets principaux : le régime fiscal des attributions de profits de trusts aux bénéficiaires aux fins de l’impôt sur le revenu, l’application de l’impôt sur les successions et les donations pendant la durée de vie du trust, les obligations de contrôle fiscal et l’application de l’impôt italien sur la fortune.

 

Comment les attributions de profits de trusts aux bénéficiaires doivent-elles être considérées aux fins de l’impôt italien sur le revenu ?

Le décret-loi no 124 de 2019 a modifié la législation nationale relative aux attributions aux personnes physiques résidentes fiscales italiennes effectuées par des trusts opaques basés dans des juridictions à faible taux d’imposition [1] afin d’éviter qu’une résidence fiscale à l’étranger conduise à une réduction significative de la charge fiscale supportée par les bénéficiaires.

Plus spécifiquement, le cadre juridique existant prévoit d’une part que le revenu attribué à un résident fiscal italien par un trust basé dans une juridiction à faible taux d’imposition doit être inclus dans la catégorie du revenu du capital.

D’autre part, une présomption relative a été introduite, qui veut qu’en cas d’impossibilité – au moment de l’attribution – de faire la distinction entre revenu et patrimoine, le montant total transféré soit considéré comme un revenu. Afin de surmonter cette présomption, le trustee doit distinguer, au moyen d’une comptabilité appropriée, la part qui se réfère au transfert ségrégatif initial, net de toutes attributions d’actifs effectuées en faveur des bénéficiaires, de la part qui se réfère au revenu réalisé d’une année sur l’autre, également net de toutes attributions effectuées en faveur des bénéficiaires.

 

Quand l’impôt sur les successions et les donations est-il dû ?

Le principal sujet couvert par la circulaire est celui du revirement de l’administration fiscale concernant le moment de l’application de l’impôt sur les successions et les donations.

Au cours des deux dernières années, de 2019 jusqu’à ce jour, la Cour suprême italienne a statué sans équivoque sur cette question à plusieurs reprises, confirmant la neutralité fiscale de la ségrégation des actifs en trust. En revanche, l’administration fiscale italienne a continué d’appliquer un impôt proportionnel « à l’entrée » plutôt qu’« à la sortie ». Par conséquent, la situation a bien évidemment suscité beaucoup d’incertitudes quant à l’application de l’impôt et généralisé les litiges.

Dans le nouveau projet de circulaire, l’administration fiscale considère la jurisprudence constante citée comme n’étant pas « susceptible de faire l’objet d’une révision plus approfondie », choisissant ainsi de se conformer pleinement à l’approche de l’imposition « à la sortie ». Plus spécifiquement, l’administration fiscale reconnaît que le transfert d’actifs par le constituant vers un trust ne provoque pas d’effets de report, dans la mesure où sa portée est uniquement provisoire et instrumentale ; par conséquent, seuls des droits d’enregistrement à taux fixe doivent être appliqués à cet acte de transfert (ainsi qu’à l’acte de constitution) [2].

 

L’impôt italien sur les successions et les donations et les impôts hypothécaires et cadastraux proportionnels seront appliqués uniquement lorsque les actes cédant les actifs du trust aux bénéficiaires finaux auront eu lieu, car ce n’est qu’à ce moment qu’un transfert effectif de richesses se produit, au moyen d’une cession d’actifs stable (et pas seulement instrumentale).

Il s’ensuit que la base imposable, le taux et tout seuil applicable [3] doivent être déterminés en référence à la date de l’acte au moyen duquel le transfert final est effectué en faveur du bénéficiaire.

En lien avec ce transfert final, la circulaire distingue les attributions « d’actifs » et les attributions « de revenus ». En effet, l’impôt italien sur les successions et les donations n’est applicable qu’aux attributions effectuées au bénéficiaire résident italien qui sont considérées comme étant des attributions « d’actifs » (actifs initialement placés en trust).

 

Enfin, concernant l’obligation d’enregistrer les actes de constitution et/ou de transfert d’actifs d’un trust étranger, la circulaire prévoit que de tels actes doivent être soumis à l’obligation d’enregistrement en Italie. D’après l’administration fiscale, cela se produit lorsque l’acte concerne des biens immobiliers et des biens mobiliers enregistrés situés en Italie, ou lorsque le bénéficiaire est résident italien.

Qui doit se conformer aux obligations de contrôle fiscal ?

Les trusts résidents fiscaux italiens sont tenus de se conformer aux obligations de contrôle fiscal pour les investissements et les actifs de nature financière détenus à l’étranger.

Les trusts résidents transparents doivent se conformer aux obligations de contrôle fiscal en indiquant la valeur des actifs étrangers et le pourcentage d’actifs ne pouvant être attribués à des « propriétaires effectifs » résidents ; si les propriétaires effectifs de l’ensemble des actifs sont des résidents, le trust n’est alors pas tenu de compléter le cadre RW dans sa déclaration d’impôt sur le revenu.

Les bénéficiaires résidents de trust sont considérés comme des propriétaires effectifs s’ils sont « identifiés ou facilement identifiables », autrement dit, s’il est possible de les identifier – même indirectement – à partir de l’acte de trust ou d’autres documents.

Dans le cas d’un trust étranger opaque, et quel que soit le pays dans lequel il est constitué, ses bénéficiaires peuvent dans tous les cas être qualifiés de « propriétaires effectifs » au sens de la législation en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux.

Par conséquent, dès lors que ses bénéficiaires sont identifiés ou facilement identifiables dans l’acte de trust étranger opaque ou dans d’autres documents, et dès lors qu’ils sont résidents italiens, ils sont soumis à l’obligation de compléter le cadre RW.

 

Quand l’impôt italien sur la fortune est-il dû ?

La loi fiscale italienne prévoit deux impôts sur la fortune, à savoir l’impôt sur la valeur des biens immobiliers situés à l’étranger (IVIE) et l’impôt sur la valeur des actifs financiers détenus à l’étranger (IVAFE).

Les trusts résidents fiscaux italiens devront par conséquent payer des impôts relatifs aux biens immobiliers et aux actifs financiers détenus à l’étranger à compter du 1er janvier 2020.

 

L’application de l’IVIE est objectivement conditionnée à la possession d’un bien immobilier situé à l’étranger au titre d’un droit de propriété ou d’un autre droit réel, quelle que soit l’utilisation qui en est faite. L’IVIE est dû à hauteur de 0,76 %, proportionnellement à la quote-part du droit de propriété ou de tout autre droit réel, ainsi qu’au nombre de mois durant lesquels ce droit s’est vérifié, sous réserve d’un seuil d’exemption de 200 euros. La valeur à déclarer est le coût résultant de l’acte d’acquisition ou des contrats ou, à défaut, la valeur de marché relevée dans le lieu où est situé le bien immobilier.

Toutefois, pour les biens immobiliers situés dans les pays de l’Union européenne ou de l’EEE, qui garantissent un échange adéquat d’informations, la valeur à prendre en compte est principalement la valeur cadastrale, telle que déterminée et réévaluée dans le pays dans lequel le bien immobilier est situé.

À compter de 2020, l’IVAFE s’applique également aux trusts résidents fiscaux italiens qui détiennent des actifs financiers à l’étranger au titre d’un droit de propriété ou d’un autre droit réel, indépendamment de la manière dont ils ont été acquis, proportionnellement à la quote-part du droit de propriété et à la période de détention. Cet impôt est applicable à la valeur des produits financiers, des comptes bancaires et des comptes d’épargne détenus à l’étranger, et est dû au taux de 2 pour mille de la valeur des actifs susmentionnés.

La base imposable aux fins de l’IVAFE est la valeur de marché des actifs financiers, telle qu’enregistrée à la fin de chaque année civile dans le lieu où ils sont détenus, y compris à l’aide des documents fournis par l’intermédiaire étranger ou la société d’assurance étrangère. En l’absence de ladite valeur, il conviendra de se référer à la valeur nominale ou à la valeur de rachat.

 

Que manque-t-il ?

En dépit de l’effort appréciable fourni par l’administration fiscale pour éclaircir ces questions, certains sujets ont été omis. En premier lieu, la circulaire ne définit pas ce qui doit être considéré comme une attribution finale à un bénéficiaire et ne fournit pas d’exemples en la matière. En second lieu, elle n’apporte pas d’éclaircissement quant au devenir des actes de trust déjà signés auxquels a été appliqué un impôt proportionnel « à l’entrée ».

Le seul espoir est que ces précisions seront incluses dans la version finale de la circulaire, laquelle n’a pas encore été publiée.

 

Auteur : Insignum International Office, Milan

[1] Afin de déterminer quels pays peuvent être considérés comme des juridictions à faible taux d’imposition, une comparaison est effectuée entre le niveau nominal d’imposition des revenus produits par la trust dans son pays de résidence et le taux italien d’impôt sur le revenu des particuliers en vigueur au cours de l’année fiscale durant laquelle le revenu est distribué.

[2] De plus, le document administratif précise que l’éventuel changement de fiduciaire durant la vie de la trust ne constitue pas un évènement imposable ; par conséquent, l’acte de substitution sera soumis à des droits d’enregistrement à taux fixe ainsi qu’à des impôts hypothécaires et cadastraux à taux fixes.

[3] À cette fin, c’est la relation entre le constituant et le bénéficiaire final qui doit être prise en compte.

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