France – Belgique: Nouvelle convention fiscale du 9 novembre 2021

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nouvelle convention fiscale franco-belge

Le 9 novembre 2021, les ministres des Finances français et belge ont signé une nouvelle convention fiscale bilatérale pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune.

Les dispositions de cette nouvelle convention entreront en vigueur à l’issue du processus de ratification législatif à venir (en principe entrée en vigueur le 1er janvier 2023).

Grâce à l’adoption de cette nouvelle convention, les deux Etats entendent moderniser les règles prévues par la convention actuellement en vigueur, signée le 10 mars 1964, qui n’étaient plus en ligne avec les derniers standards internationaux, notamment les avancées du projet « BEPS » de l’OCDE.

Nous envisagerons dans un premier temps les modifications apportées aux principes généraux de la convention (I), avant de nous intéresser au traitement spécifique de certaines impositions (II).

I/ Modifications apportées aux principes généraux de la convention franco-belge en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune

Notion de résidence fiscale

Le « résident d’un Etat contractant », désigne « toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l’impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue ».

La convention est uniquement applicable aux personnes assujetties à l’impôt dans l’un des deux Etats, étant précisé que ne remplit pas cette condition au sens de la convention la personne qui n’est assujettie à l’impôt dans un Etat que pour les revenus de sources situées dans cet Etat ou pour la fortune qui y est située.

En outre, des dispositions spécifiques ont été adoptées concernant les sociétés françaises fiscalement translucides (ex : SCI, SNC). La qualité de résident fiscal français sera reconnue à ces sociétés sous réserve du respect de trois conditions cumulatives :

«    –    Le siège de direction effective de la société est en France ;

  • La société est assujettie à l’impôt en France ;
  • Et tous les porteurs de parts, associés ou membres de la société, sont, en application de la législation fiscale française, personnellement soumis à l’impôt à raison de leur quote-part dans les bénéfices de ces sociétés de personnes, groupements de personnes ou autres entités analogues. »

Ainsi, la détention par le biais de sociétés françaises translucides d’un point de vue fiscal ne devrait pas s’opposer au bénéfice de la nouvelle convention.

Evolution à la baisse du taux standard de retenue à la source sur les dividendes

Aux termes de l’article 15 de la convention fiscale actuellement en vigueur, l’Etat de résidence d’une société versant un dividende est en droit de procéder à une retenue à la source allant jusqu’à 15% du montant brut de ce dividende. La nouvelle convention prévoit un abaissement de ce taux maximum à 12,8% (taux d’IR applicable en droit interne français sur les dividendes dans le cadre du PFU Prélèvement Forfaitaire Unique). L’impact immédiat de cette mesure est limité, la France appliquant d’ores et déjà ce taux de 12,8%. En revanche, c’est une garantie en cas de remontée future du taux du PFU (la fiscalité interne française n’étant pas la plus stable du monde).

S’agissant des dividendes versés par une société résidente d’un Etat à toute société résidente de l’autre Etat, la nouvelle convention prévoit une exemption totale de retenue à la source (au lieu d’un taux maximal de 10% à ce jour) lorsque la société bénéficiaire du dividende détient une participation d’au moins 10 % dans la société distributrice (sous réserve d’une détention de cette participation pendant au moins 365 jours).

Mesures anti-abus : règles classiques

L’article 28 de la nouvelle convention est directement inspiré de l’Instrument Multilatéral pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales qui est entré en vigueur en 2019 en France et en Belgique. Cet article établit une règle générale anti-abus fondée sur le critère de « l’objet principal » : un avantage ne sera pas accordé s’il est raisonnable de conclure, compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances propres à la situation, que l’octroi de cet avantage était l’un des objectifs principaux d’un montage ou d’une transaction, à moins qu’il soit établi que l’octroi de cet avantage dans ces circonstances serait conforme à l’objet et au but des dispositions pertinentes de la nouvelle convention.

II/ Traitement spécifique de certaines impositions dans la nouvelle convention franco-belge en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune

Traitement des revenus issus de sociétés translucides à prépondérance immobilière

Selon le droit interne français, les associés d’une société translucide, c’est-à-dire notamment d’une société civile classique n’ayant pas opté à l’IS, sont imposables à raison de la quote-part qui leur revient dans le bénéfice réalisé par la société, alors même qu’ils ne l’auraient pas effectivement appréhendée. Par la suite, une distribution réalisée par cette même société au profit de ses associés ne constitue pas un fait générateur d’imposition en droit interne français.

La règle est différente dans le cadre franco-belge. Depuis deux arrêts de la Cour de cassation belge (29 septembre 2016 et 21 septembre 2017), la Belgique considère que les distributions réalisées par des sociétés translucides au profit de résidents fiscaux belges sont imposables en Belgique comme des dividendes. Cette jurisprudence conduit à une double imposition à laquelle la présente convention malheureusement ne remédie pas.

Illustration :

Des personnes physiques qui résident fiscalement en Belgique sont associés d’une société civile française qui n’a pas opté pour l’impôt sur les sociétés qui détient un bien immobilier en France. Ce bien est donné en location nue.

Les revenus fonciers sont taxables dans la catégorie des revenus fonciers et imposables l’année de leur réalisation entre les mains des associés personnes physiques en Belgique.

Puis l’année de leur distribution, du fait de la jurisprudence susvisée (et d’une absence de correction de ce dysfonctionnement dans la convention), ces revenus sont imposables en Belgique comme dividendes.

Les dispositions de la nouvelle convention n’apportant pas de précisions sur ce point, la double taxation issue de la jurisprudence belge est maintenue.

Traitement des dividendes versés par des sociétés à l’IS

Le mécanisme de la quotité forfaitaire d’impôt étranger (« QFIE »), permettant de limiter la pression fiscale sur les dividendes de source française perçus par un résident belge, n’a pas été repris dans la nouvelle convention fiscale.

En application des dispositions de la convention actuellement en vigueur, la France est autorisée à réaliser sur ces dividendes un prélèvement à la source d’un taux maximum de 15% (12,8% en application des dispositions du droit interne français) et le montant « net-frontière » du dividende est imposable en Belgique (précompte mobilier au taux de 30%).

Selon l’article 19 de l’ancienne convention (encore en vigueur en 2022), un crédit d’impôt forfaitaire de 15% du montant « net-frontière » (la fameuse « QFIE ») peut être imputé sur l’impôt dû en Belgique. Il convient de relever que, dans les faits, l’administration fiscale belge n’admet cette imputation que depuis 2020 (à la suite de plusieurs arrêts de la Cour de cassation belge : Cass. 16 juin 2017 et 15 octobre 2020).

La disparition de la « QFIE » dans la nouvelle convention conduit ainsi à une imposition totale majorée(retenue à la source française et précompte mobilier belge) de 38,96%, contre 25,88% en cas d’imputation de la QFIE.

Traitement des plus-values de sociétés à prépondérance immobilière

Un article concernant les gains en capital a été inséré dans la nouvelle convention (article 13). Cet article consacre la notion de prépondérance immobilière, jusqu’alors absente de la convention franco-belge. Est ainsi considérée comme à prépondérance immobilière, « une société, une fiducie ou une institution comparable, dont les actifs sont constitués pour plus de 50 pour cent de leur valeur, directement ou indirectement, de biens immobiliers ».

Ce nouvel article conduit donc à un maintien de la jurisprudence française, telle qu’établie par l’arrêt du Conseil d’État en date du 24 février 2020 (CE, 24 févr. 2020, n° 436392). Aux termes de cet arrêt, le Conseil d’État avait qualifié les titres de sociétés à prépondérance immobilière de biens immobiliers au sens de la convention fiscale franco-belge en matière d’impôt sur le revenu, entrainant l’imposition en France des plus-values réalisées par des résidents belges, personnes physiques, lors de la cession de parts de sociétés civiles immobilières semi-transparentes à prépondérance immobilière.

Lorsque la cession porte directement sur l’immobilier détenu par la société civile, la situation est pire encore, puisque la cession du bien immobilier déclenche la taxation de la plus-value immobilière en France, puis la distribution du résultat résultant de la plus-value constatée au niveau de la société et déjà taxée entre les mains des associés, donne lieu à une taxation des associés au précompte mobilier. Il n’y aura donc pas de double imposition au sens juridique (la France imposant la plus-value immobilière, la Belgique une distribution de dividendes) : il n’en demeure pas moins que les associés seront soumis à une double imposition économique.

Les nouvelles dispositions conventionnelles viennent donc confirmer la nécessité de revoir la structuration des investissements immobiliers français des résidents belges, lorsqu’une détention par le biais de sociétés civiles semi-transparentes a été mise en place.

Traitement des plus-values résultant d’une participation substantielle : une exit tax supplémentaire

L’article 13 de la nouvelle convention fiscale instaure un nouveau dispositif, similaire dans ses objectifs à l’exit tax français (article 167 bis du Code général des impôts français).

En application de ce nouveau dispositif, un résident français s’installant en Belgique alors qu’il détient une participation substantielle dans une société française pourra, sous certaines conditions, être imposé en France sur la plus-value réalisée en cas de cession ultérieure.

La notion de participation substantielle est définie par la convention comme la détention (directe ou indirecte) par une personne morale ou une personne physique, seule ou avec des personnes apparentées, d’actions ou parts dont l’ensemble ouvre droit à 25% ou plus des bénéfices de la société. A titre comparatif, l’application de l’exit tax de droit interne français suppose que les droits sociaux, valeurs, titres ou droits détenus pas le contribuable représentent au moins 50 % des bénéfices sociaux d’une société, ou que leur valeur globale excède 800 000 €.

Les autres conditions d’application de ce nouveau dispositif conventionnel sont les suivantes :

  • La personne doit avoir été résidente en France pendant 6 ans sur les 10 années précédant sa prise de résidence fiscale en Belgique ;
  • Elle doit avoir détenu une participation substantielle dans une société française à un moment quelconque au cours des 5 années précédant immédiatement sa prise de résidence fiscale en Belgique ;
  • La cession doit intervenir dans une période de 7 ans à compter de la prise de résidence fiscale belge.

Il convient de relever que, toutes conditions satisfaites par ailleurs, la plus-value demeurera taxable en France, au titre du dispositif de l’article 13 de la nouvelle convention, en cas d’apport de la participation substantielle à une holding belge et de cession subséquente de cette participation par ladite holding belge.

Auteurs : Pascal JULIEN SAINT-AMAND, Eugénie GUICHOT, Groupe Althémis, Paris

 

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